Extrait d'entretien

ENTRETIEN AVEC ANNE CHABERT D’HIÈRES


Comment avez-vous choisi vos questions ?


J’avais au départ des questions extrêmement complexes, assez sophistiquées et induisant trop de choses. Cela mettait les participants dans le désir de me satisfaire et de répondre « bien », comme à un examen. Or je n’avais pas d’attente, je voulais juste qu’ils parlent vraiment de ce qu’ils pensent. J’ai finalement opté pour une formulation simple : «Et si on parlait politique ? Et si on parlait amour ? Et si je te dis le mot handicap ?», pour les laisser partir là où ils voulaient. Plus les questions étaient sobres et ouvertes et plus ils étaient libres d’être eux-mêmes.

Comment se sont déroulés les entretiens ?


Nous avons très vite convenu avec Nicolas que je serais hors champ et qu’il n’y aurait pas d’images in situ car ce n’est pas un film sur leur vie quotidienne dans les foyers de l’Arche. On parlait tout simplement, on était dans un véritable échange. À la fin de la demi-heure, j’étais tellement saisie par l’intensité et la vérité de notre conversation que je doutais que cela puisse se renouveler dans l’entretien d’après. Et puis la personne suivante arrivait, et de nouveau, en trois minutes, elle m’emmenait dans son monde.
Dans le studio, Nicolas, les deux cadreurs et moi étions petit à petit travaillés au cœur et au corps par la force de ce qui se passait, par la présence des personnes, par leur désir de parler, par leur générosité à accepter de répondre aux questions... C’était très émouvant. On a reçu une leçon d’humanité.

Avez-vous rencontré des difficultés ?


La difficulté est pour tous. C’est vrai que j’ai été prise en défaut. J’ai mis du temps à réaliser quand Xavier m’a demandé d’arrêter. Parfois, je ne comprends pas tout à fait Mickaël ou Pascal... Ce n’est pas une interview parfaite et modèle. C’est une vraie conversation. On fait comme on peut et quelquefois on passe à côté l’un de l’autre, on se trompe. Il faut mesurer, chercher... Le film a essayé de garder cela. Le handicap est une épreuve, on ne va pas la simplifier. Nous ne souhaitions pas raconter une « belle histoire ».

Quel a été votre plus grand défi dans cette expérience ?


Me retirer. Laisser les silences. Ecouter les personnes réfléchir et n’intervenir que pour aider les futurs spectateurs à les rencontrer. Parfois donc, je répète un mot ou reformule une idée. Mais je voulais me faire la plus discrète possible. Quand je propose à Julie de rajouter une dernière chose importante et qu’elle me répond : « Parler avec toi ! », je suis déconcertée. Pourtant il s’agit bien de cela. Les personnes qui ont un handicap ont une immense soif d’être entendues. « Moi, j’ai jamais causé comme ça ! » dit Annie.

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